A l'aube d'un monde nouveau...

Tal-Mest était resté un an dans l'ombre de sa demeure de la Forêt Grise, à magouiller des plans un peu louches.
Désormais, il s'était rendu en territoire Gremlin.
Pourquoi cela ?
Il ne savait pas l'expliquer... L'intuition des mages sans doute.
Il sentait que le Monde allait changer, et il sentait que le territoire Gremlin était un lieu... SPECIAL...

Il marchait donc pendant un bon moment, lorsqu'il décida de s'abriter sous un arbre, assis sur une souche, tel un vieillard sans défenses... Et il réfléchit longtemps, longtemps...

LONGTEMPS.......

L'esprit, qui vagabondait depuis quelques semaines à méditer de choses et d'autres, fit une halte avant d'aller quérir des armes. En effet, une présence aussi étrange que puissante semblait planer en son territoire. Il s'était alors dirigé en direction de cette présence. Dès lors, il sentait bien qu'il se rapprochait de cette chose étrangère. Puis, il aperçut, assis sur une souche, une sorte de magicien qui semblait attendre quelque chose.

Toutefois, il lui semblait que ce mage n'était pas la présence qu'il avait sentie. Probablement que s'il n'avait pas senti la propre présence de cet individu, était-ce parce que celle de l'autre était bien plus puissante, bien plus étendue !...

Il s'approcha alors du mage et lui dit :

" _ On attend quelque chose, lugubre mage ? Quelques dangers à surmonter pour quelque éclat de gloire... ou de pouvoir ? Avez-vous, vous aussi, senti cette mystérieuse présence qui flotte dans l'air ?... "

Tal-Mest sentit tout à coup la présence de cet esprit Gremlin.
Ce dernier lui posait la question de sa présence.
Tal-Mest, l'air inquiet, répondit alors :

" Le Monde change, mon ami...
Je fais en sorte de m'adapter à quelque changement qui pourrait survenir ici ou là, rien de bien méchant, rassurez vous...
Je n'ai pas l'intention de réduire à néant l'orgueil des Gremlins... "

Puis, voyant un petit sanglier passer dans le coin, il le grilla d'un éclair, avant de la dépecer devant l'esprit de Zeroturak, et d'en grignoter un morceau de viande fumée...

Puis il se retourna devant Zeroturak, à qui il demanda :

" Pourquoi êtes-vous venu me voir ? "

L'esprit regarda la mage manger un morceau de sanglier. Toutefois, ne ressentant nulle faim, cela ne l'affecta en rien.
Tal-Mest, c'était son nom, lui demanda alors la raison de sa visite. Ce à quoi Zeroturak répondit :

" _ J'erre ici et là, ce me semble. Vous semblez attendre quelque chose, une présence ? une chose ?...

Que d'aventures se préparent ! Que de tourments futurs pour mon peuple ! Ce magicien me semble bien informé, continuons à l'interroger...

Tal-Mest réfléchit un instant avant de répondre à son interlocuteur, l'esprit Gremlin :

" Savez-vous, mon ami, que cette présence que je sens, je ne peux pas encore l'identifier.
C'est quelque chose de trop vague.
Mais si vous voulez le savoir, oui, il y a quelque chose.
Mais quoi ? Une personne, un objet, une opportunité, une catastrophe naturelle... Je ne peux pas encore le dire.
C'est pourquoi cela m'intrigue, voyez-vous.
Je peux néanmoins vous guider : C'est quelque chose qui aura un grand rôle à jouer dans les prochaines années. "

Il continua alors à manger de son sanglier, jusqu'à ce qu'il n'eut plus faim.
Il attendit alors la réponse éventuelle de l'ancien général Gremlin.

Xahrr admirait les plaines gremlinnes. Assurément, tous ces hommes idiots n'avaient aucune idée de la réelle beauté. Pour eux, rien n'égalait la splendeur d'un couché du soleil. Xahrr trouvait cela laid et terriblement ordinaire. En effet, quoi de plus ordinaire que le rouge qui descend des nuages et rencontre le bleu du ciel, pour enfin s'unir au néant de l'espace ? Un éclair de couleurs vives ! Voilà ce que cela représentait. Pourtant, si cela était un magnifique spectacle pour l'homme ou l'elfe, c'est car cela ne lui était pas commun, parce que cela semblait sortir du quotidien, du vulgaire. L'homme était un âne, pensait Xahrr, capable de voir la beauté de l'espace mais incapable de voir sa propre beauté, celle qu'il côtoie tous les jours. Qui a dit que l'infini ne se rencontrait que dans les choses farfelues ou éloignées ? Un homme est infiniment beau, un arbre est infiniment beau, un caillou est infiniment beau, pourvu que l'artiste ait des ailes ; car le beau appartient à tout et que pour le révéler il faut un regard, une perspective, un artiste ! L'homme pense qu'il y a des choses belles et des choses laides. Il se trompe profondément ! En revanche, Xahrr était persuadait de la thèse inverse et s'il avait dit naguère qu'un couché du soleil était laid, c'était par pur esprit de révolte. En réalité, il était capable d'en apprécier la couleur, pourtant il préférait lui aussi la beauté des choses sortant de l'ordinaire. Dans son pays de rouge et de noir, de feux et de cendres, rien n'était plus banale qu'un couché du soleil. Ainsi, ces terres brunes où quelques pousses poussaient ici et là, où quelques oiseaux venaient s'abriter auprès de quelques peupliers solitaires, où quelques fleurs, esseulées, balançaient dans l'air leurs parfums exquis, oui, ces terres, l'enchantaient. Il mira un instant les cailloux verdâtres, remplis de mousses caduques qui tombaient des airs. Puis, dès qu'il eut achevé sa contemplation, il s'en alla de nouveau à la recherche de ces magiciens.

Ces êtres de magie lui seraient nécessairement utiles. Bien sûr, il était puissant, extrêmement puissant, d'autant plus lorsqu'il détenait sa pierre de jais. Toutefois, si les hommes et les elfes et tous les autres peuples de la terre, avaient l'idée génial de créer une coalition de guerriers mages puissants, s'en serait fini pour lui et ses rêves de grandeur ! Il devait alors s'emparer de disciples directement chez l'ennemi, pour ensuite mieux le combattre. Tel était en partie son plan. Il cherchait donc des magiciens et sa recherche l'avait mené dans ces plaines. Il tentera alors de convaincre ce mage, s'il refuse, il tâchera, non de l'éliminer forcément, mais de prendre connaissance de ses faiblesses, physiques et mentales, afin de mieux le détruire ou de mieux le convertir.

Il pensa alors au mage qu'il avait converti et entraîné durant un an. Celui-là se nommait Baltan... Il l'avait capturé à un homme torturé par des désirs contradictoires, un certain Konan. Il sentait d'ailleurs que cette personne-là lui causerait quelques difficultés.

Sitôt après avoir ainsi médité, il aperçut l'homme en question. Un vieux mage vraisemblablement. Cette figure ne lui était pas totalement inconnue. Ne s'agirait-il pas de ce mage qui vainquit Zloarg, l'un de ses compagnons d'arme durant la grande guerre ? Xahrr finit par en être persuadé. Avant de le juger, il devait en apprendre plus sur son compte. Puis, dans le flou du brouillard, il aperçut une âme, ou plutôt un esprit. Un esprit gremlin discutant avec un vieux mage solitaire ! Voilà qui l'étonnait ! Évidemment, Xahrr savait que les esprits gremlins étaient des êtres intelligents, bien plus que les gremlins eux-mêmes. Ce qu'il ne savait pas, en revanche, c'était qu'ils s'intéressaient aux hommes. Il avait toujours pensé que ces bêtes, même intelligentes, ne se préoccupaient que de leur peuple, de leur gloire et de leurs ennemis ! Pourtant, ce mage ne semblait pas ennemi au gremlin. Xahrr devait absolument en savoir davantage !

Sous ses airs d'homme aux yeux illuminés, il avança donc en leur direction. Dès qu'il eut fini de préparer son discours mentalement, il annonça :

" _ Heureux celui qui chante lorsque la pluie tombe ! Malheur à celui qui tombe lorsque la pluie chante ! Le ciel est calciné quand nos yeux brillent ! La terre est morcelée quand nos paupières se ferment ! Bien le bonjour, amis kernoliens ! Que le vent souffle et que la fleur s'envole ! Sinon j'irai souffler la fleur et faire s'envoler le vent !

Xahrr déchaîna les colères du vent, de la terre et de l'eau. Les éléments se déchaînaient dans une effrayante harmonie. Le tonnerre jouait le rythme, le vent sifflait comme une flûte, l'eau jouait des timbales et les arbres chantaient doucement l'air d'autrefois ! Le démon à l'apparence d'homme fit alors tournoyer le magicien. Il ne cherchait pas à l'éliminer, juste à le tester. Il questionna alors le mage en chantant :

_ Quel est ton nom, l'ami ? Puis, il reprit sa ballade : Quand le ciel se découvre, la terre alors est amoureuse ; mais quand il sombre tout d'un coup, la terre est grise, la terre est saoul ! "

Tal-Mest n'avait rien demandé, et voilà qu'il fut tournoyé dans tous les sens par une personne qui apparemment maîtrisait la magie.
Cependant, cela ne le dérangeait pas tellement, et il montra un total désintérêt pour la magie de son interlocuteur, à qui il répondit :

" Moi c'est Talin, mon pote. "

Tal-Mest remarqua que ce nouvel homme était la présence qu'il sentait depuis un petit moment.
Il savait que le destin de Kernola dépendrait du devenir de ce bonhomme, qui sans doute était un être magique.
Mage ou démon ? Il ne le savait pas encore trop, mais son intuition lui faisait plutôt penser à la deuxième option.
Comme par pure provocation verbale, il rétorqua au démon :

" Alors comme ça, monsieur a le destin de Kernola entre ses mains.
Pas mal, je dois avouer... "

Xahrr s'étonna de l'indifférence de ce Talin face à ses démonstrations de puissance. Il ne paraissait guère gêné par toutes ces pirouettes. Était-ce donc un mage d'une si grande puissance, qu'il ne craignait les fureurs du feu ?! Aussi, pourquoi lui disait-il qu'il avait le destin de Kernola entre ses mains ? Connaissait-il les sombres desseins de Xahrr ? Que savait-il de lui ?!

Xahrr était perplexe. Il fit cesser la foudre ainsi que toute cette mascarade. Il observa l'homme droit dans les yeux, comme s'il cherchait à desceller sa moindre pensée, son moindre doute, ses moindres interrogations. Insondable, impénétrable était cet homme. Qui était-il ? Ses yeux pétillant se détournèrent alors. Puis, il s'assit tranquillement face à lui, ferma les yeux un moment et chantonna :

"_ Quand la Terre alors a basculé dans une obscure mer, la Lune parfois, éclaire ce triste spectacle. Quelques fois cependant, le ciel entraîne la Lune dans son sillage noir !

Puis, il se redressa et interrogea Talin :

_ A votre avis, Talin, pourquoi chanter ? Pourquoi ? "

Il le regardait alors avec insistance et assurance, attendant sa réponse.

Tal-Mest fut surpris de la question de Xahrr...
Mais enfin bon, il réfléchit à la question, puis répondit :

" Chanter nous permet de nous immerger dans un autre monde, ce qui est assez futile. Ou bien cela procure des émotions, et permet de se divertir.
Ou alors nous pouvons le voir d'une autre façon : Nous pouvons chanter afin de faire des spectacles, pour gagner de l'argent... Ah, l'argent, l'argent... "

Puis Tal-Mest s'égara dans ses pensées, et déclara :

" Pourquoi me posez-vous cette question ?
Qu'est ce qui vous intéresse dans la musique ?
Pouvez-vous me donner votre propre interprétation, monsieur...
Monsieur comment, déjà ? "

Tal-Mest attendit la réponse de Xahrr, tout en le fixant dans les yeux.
L'air qui se dégageait du visage de Xahr lui rappelait vaguement quelque origine démoniaque... Il avait déjà combattu un démon Tartutien dans sa jeunesse...